Quelques définitions
Endométriose
Endométriose : maladie gynécologique fréquente, hétérogène, bénigne mais qui peut avoir un retentissement important sur la qualité de vie quotidienne. Elle est due à la présence de glandes ou de stroma endométrial en position ectopique (en dehors de la cavité utérine), dont notamment :
- Endométriose péritonéale superficielle
- Endométriome : présence de kystes ovariens endométriosiques
- Endométriose pelvienne profonde (sous-péritonéale) : lésions infiltrantes en profondeur (> 5mm) sous la surface du péritoine, souvent multifocales. Elles peuvent atteindre la musculeuse des organes abdominopelviens et concerner aussi bien le compartiment antérieur (vessie, uretères) que postérieur (torus, ligaments utérosacrés, cul-de-sac vaginal postérieur, paroi antérieure du rectum et/ou du sigmoïde).
D'autres localisations plus rares peuvent également exister : diaphragme, plèvre, ombilic, paroi musculaire abdominale, etc.
Adénomyose
Adénomyose : endomètre développé dans le myomètre.
- Adénomyose diffuse interne : glandes et/ou stroma endométrial dans l'ensemble du myomètre
- Adénomyose focale externe : agrégats d'endomètre circonscrits dans des zones précises du myomètre
Dysménorrhée
Dysménorrhée : douleurs abdominopelviennes cycliques, rythmées par les menstruations (débutent avant les règles, peuvent finir après). Elles peuvent révéler une endométriose ou une adénomyose.
- Dysménorrhées primaires (essentielles) : début 6 à 24 mois après la ménarche.
Symptômes : crampes pelviennes / lombaires avec nausées/vomissements, diarrhée, migraines, malaise vagal.
Intensité : modérée à sévère.
Répondent bien aux antalgiques usuels (Paracétamol, Phloroglucinol, AINS). - Dysménorrhées secondaires (organiques) : peuvent survenir aussi en dehors des menstruations.
Intensité : sévère, s'aggravant en fin de cycle.
Moindre réponse aux antalgiques usuels.
Epidémiologie
Endométriose :
- Incidence : 0,1%/an des femmes en âge de procréer
- Prévalence : jusqu'à 10% des femmes en âge de procréer (mais grandes variations entre les études car polymorphisme)
- Pic de fréquence : 40 ans, mais long délai moyen au diagnostic (3 à 10 ans après les premiers symptômes)
- Impact majeur sur la qualité de vie et important retentissement économique
Adénomyose :
- Prévalence : environ 20 à 30% des femmes, mais très difficile à estimer car beaucoup de formes différentes (surtout asymptomatiques)
Physiopathologie de l'endométriose
Physiopathologie débattue, plusieurs hypothèses avancées :
- théorie de la régurgitation menstruelle (semble la plus probable)
- théorie de la métaplasie müllérienne
- théorie des emboles lymphatiques et vasculaires
- théorie sur le rôle des cellules souches endométriales ou de progéniteurs issus de la moëlle osseuse
Maladie multifactorielle : facteurs génétiques, facteurs environnementaux, facteurs hormonaux liés aux menstruations.
Plusieurs anomalies biomoléculaires notables :
- Biosynthèse anormale d'hormones stéroïdinennes avec expression altérée des récepteurs hormonaux (surexpression des récepteurs aux estrogènes, résistance à la progestérone, surexpresion de l'aromatase) favorisant la croissance et la persistance des lésions.
- Potentiel d'invasion et de néoangiogenèse plus marqués à cause d'une surexpression des métalloprotéases et du VEGF.
- Réponse inflammatoire locale importante, caratérisée par la production d'IL-6, de TNF et de marqueurs de stress oxydatif.
Les douleurs d'endométriose font intervenir plusieurs mécanismes : nociception, hyperalgie et sensibilisation centrale.
Comment diagnostiquer une endométriose ?
Diagnostic d'endométriose difficile en raison du polymorphisme de la maladie et des formes pauci- ou asymptomatiques (fréquente découverte fortuite lors d'un examen d'imagerie réalisé dans un autre contexte). Il repose sur un faisceau d'arguments cliniques et paracliniques.
Interrogatoire : rechercher des douloureux évocatrices
- dysménorrhées : pendant et en dehors des règles, d'intensité sévère (7/10), s'aggravant au fil des cycles, résistants aux antalgiques usuels
- dyspareunies profondes
- signes fonctionnels digestifs cataméniaux (dyschésies) : douleur à la défécation, troubles du transit
- signes fonctionnels urinaires cataméniaux : pollakiurie, urgenturie, douleurs vésicales
- douleurs pelviennes chroniques : indépendantes du cycle, compliquées d'épuisement physique / psychologique
- saignements douloureux (ménorragies, métrorragies) : en cas d'adénomyose
Examen physique : souvent peu contributif (n'élimine pas le diagnostic s'il est normal)
- lésions vaginales bleutées à l'examen au spéculum du vagin
- nodules des ligaments utérosacrés ou du cul-de-sac de Douglas : douleur à la mise en tension des ligaments utérosacrés, utérus rétroversé, peu mobilisable au toucher vaginal
- ovaire augmenté de volume
- utérus augmenté de volume et sensible à la mobilisation en période menstruelle : si adénomyose
Examens paracliniques à réaliser pour toutes patientes dès la suspicion d'endométriose, en première intention :
- échographie pelvienne par voie endovaginale
- IRM pelvienne
La réalisation d'une coelioscopie diagnostique n'est pas nécessaire systématiquement pour obtenir une preuve histologique.
Quelles sont les conséquences de l'endométriose ?
Symptomatologie douloureuse :
- Grande variabilité interindividuelle
- Douleurs aigües, cycliques ou chroniques
Aucun lien entre l'intensité de la douleur, l'étendue des lésions et leurs localisations.
Corrélation établie entre typologie des douleurs et leur localisation.
Infertilité :
- C'est une circonstance fréquente de découverte de la maladie
- 30 à 50% des patientes endométriosiques sont infertiles
- Mécanismes multiples et intriqués selon les localisations : inflammation pelvienne pertubant la fécondation, perturbation de la qualité / quantité d'ovocytes en cas d'atteinte ovarienne, perméabilité tubaire perturbée, implantation utérine altérée.
Principales stratégies de prise en charge
Stratégie : prise en charge globale et multidisciplinaire.
Traitements non-hormonaux
A proposer en première intention :
- Antalgiques : antispasmodiques (phloroglucinol), paracétamol et AINS.
Orienter la patiente vers un centre anti-douleur en cas de douleurs chroniques et résistantes aux antalgiques usuels. - Compléments bénéfiques démontrés : acupuncture, yoga, ostéopathie.
Traitements hormonaux : contraception
Objectif : suspendre les douleurs mais non curatif et incompatible avec un désir de grossesse.
Mécanismes d'action multiples :
- réduction / suppression du flux menstruel : efficacité sur les douleurs uniquement si aménorrhée.
- inhibition de l'ovulation pour certains traitements
- atrophie du tissu endométrial
- restauration d'une sensibilité à la progestérone
- diminution de la synthèse des prostaglandines
- diminution de la prolifération cellulaire, de la neuro-angiogénèse et du stress oxydant
En première intention : à guider selon contre-indications et effets indésirables
- contraception combinée oestroprogestative : discontinu ou continu si dysménorrhée
- dispositif intra-utérin au lévonorgestral
Traitement chirurgical
Objectif : certitude diagnostique, pronostic et thérapeutique.
Quand proposer la chirurgie ?
- inefficacité des antalgiques usuels
- intolérance à l'hormonothérapie bien conduite
- infertilité : à discuter car une fécondation in-vitro (FIV) est possible malgré un endométriome
Considérations chirurgicales :
- préférer la coelioscopie à la laparotomie
- peut être complexe en cas d'atteintes digestives ou vésicales : à réaliser dans des centres experts multidisciplinaires
- une seule chirurgie est la clef du succès thérapeutique : traitement le plus complet possible en une seule fois.
Si récidive : traitement médical seul préconisé
Si endométriome : éviter la chirurgie pour préserver la réserve ovarienne, bonne réponse au traitement médical généralement
Aide médicale à la procréation (AMP)
- A envisager si infertilité, après réalisation d'un bilan complet du couple.
- Stratégie guidée par les résultats des examens complémentaires, le stade de l'endométriose, l'âge de la patiente et le délai d'infertilité
- Si endométriome ou altération de la réserve ovarienne : envisager une préservation de la fertilité