Item 358 à l'EDN : Pancréatite aiguë

Fiche de révision pour l'EDN

Pancréatite aigüe (PA) : inflammation aigüe du pancréas associant oedème interstitiel et cytostéatonécrose (pancréas et tissus avoisinants)
2 formes : PA bénigne oedémateuse (80%) et PA sévère nécrosante (20%)

Mécanisme : autodigestion par les enzymes pancréatiques protéolytiques

Diagnostic clinicobiologique

Association : douleur abdominale évocatrice + lipasémie > 3 normales (N)

  • Douleur pancréatique : épigastrique, début rapide (quelques heures), transfixiante (irradiation dorsale), inhibe la respiration, position antalgique en "chien de fusil"
  • Autres signes cliniques possibles : iléus réflexe, vomissements, météorisme, fièvre, tachycardie, hypotension
  • Lipasémie : augmentation précoce (maximum en 24-48h après le début de la douleur) et parfois très brève (quelques jours), non corrélée à la gravité, aucune valeur pronostique

Rôle de l'imagerie

Imagerie : pas nécessaire au diagnostic de PA mais utile pour l'enquête étiologique et la gravité

  • Echographie abdominale : systématique, idéalement avant la 48e heure
    Chercher : lithiase vésiculaire, dilatation de la voie biliaire principale, lithiase de la voie biliaire principale
  • Scanner abdominopelvien avec injection de produit de contraste : évalue la gravité, élimine les diagnostics différentiels, à faire vers 72h (car avant minimise la gravité)
    Chercher : nécrose pancréatique (défaut de réhaussement au temps précoce) ou péripancréatique, collections de nécrose, complications (ascite, épanchements pleuraux, fistule, hémorragie ou perforation d'un organe creux)
    Si score de sévèrité CTSI >= 4 (nécrose et inflammation pancréatique) : risque élevé de décès / complications

Diagnostics différentiels

  • Infarctus myocardique inférieur
  • Ulcère gastroduodénal, perforé ou non
  • Cholécystite aiguë
  • Infarctus mésentérique
  • Péritonite
  • Rupture d'anévrisme de l’aorte abdominale

Gravité

Si gravité : soins intensifs ou réanimation

  • syndrome de réponse inflammatoire systématique (SRIS)
  • défaillances d'organes : état de choc, neurologique, insuffisance rénale, détresse respiratoire, coagulation intravasculaire disséminée, etc.
  • terrain du patient : décompensation de pathologies chroniques

Etiologies

Pancréatite aigüe biliaire (40%) :

  • Mécanisme : migration lithiasique dans la voie biliaire principale (VBP)
  • Terrain : sexe féminin, > 50 ans, obésité, variation pondérale récente (après chirurgie bariatrique), grossesse en cours, multiparité, antécédents familiaux de lithiases biliaires
  • Clinique : tableau d'angiocholite aigüe
  • Biologie : pic précoce des transaminases ASAT/ALAT (> 3 N, voire > 10 N), possiblement associé à une cholestase (phosphatases alcalines, gamma-GT) et une hyperbilirubinémie.

Pancréatite aigüe alcoolique (40%) : 

  • Terrain : homme, 40-50 ans, éthylisme chronique (> 10 ans souvent, > 100 g/jour d'éthanol pur), autres maladies liées à l'alcool associées
  • Clinique : signes d'éthylisme chronique
  • Biologie : anomalies pré-existantes, macrocytose, élévation de la gamma-GT

Autres causes possibles :

  • Tumorale : à évoquer si > 50 ans sans éthylisme ni biliaire
    Compression extrinsèque du canal pancréatique principal (de Wirsung)
  • Médicamenteuse : inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC)
  • Métabolique :
    • hypertriglycéridémie (dosage systématique car diminution rapide dès la mise à jeûn),
    • hypercalcémie (dosage systématique)
  • Traumatique : accident de la voie publique
  • Iatrogène : cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE), sphinctérotomie endoscopique
  • Infectieuse : virus (oreillons, CMV, EBV, échovirus, coxsackie), parasites (ascaris)
  • Ischémique : contexte de bas débit prolongé (après réanimation intensive, chirurgie abdominale ou cardiaque)
  • Auto-immune
  • Génétique : récidivantes dès l'enfance
  • Idiopathique : 15% des cas

Prise en charge symptomatique

Dans tous les cas : 

  • Oxygénothérapie à la phase initiale
  • Analgésie multimodale
  • Prophylaxie thrombo-embolique ou anticoagulation curative si thrombose
  • Rééquilibration hydro-électrolytique
  • Aucune antibiothérapie préventive
  • A jeun tant que les douleurs sont importantes
  • Sonde nasogastrique en aspiration si vomissements

Si PA non grave : hospitalisation en secteur conventionnel

  • Alimentation dès diminution des douleurs : 48-72h généralement
  • Surveillance clinique quotidienne

Si PA grave : hospitalisation en soins intensifs ou réanimation si défaillances d'organes

  • Mesures de réanimation
  • Nutrition artificielle rapide : dans les 48h, par voie entérale de préférence, pour prévenir l'infections des coulées de nécrose
  • Surveillance clinique et biologique pluriquotidienne

Prise en charge étiologique d'une PA biliaire

  • Extraction des calculs enclavés dans le cholédoque : cholangiographie rétrograde endoscopique (CPRE) avec sphinctérotomie en urgence (< 24h) en cas d'angiocholite initialement associée, sinon à distance
  • Antibiothérapie probabiliste après hémocultures si angiocholite associée
  • Cholécystectomie : à discuter selon gravité (durant l'hospitalisation si PA non sévère, idéalement avant la reprise d'alimentation orale idéalement car favorise les contractions vésiculaires et augmente les récidives, à différer d'un mois si PA sévère)

Prise en charge étiologique d'une PA non biliaire

  • Traitement de la cause : arrêt de l'alcool (prévention du syndrome de sevrage), correction des anomalies métaboliques, etc.
  • Prise en charge des facteurs aggravants : arrêt du tabac

Complications potentielles

  • Pseudokystes : collections liquidienne due à une fistule pancréatique
  • Collections nécrotiques organisées : organisation et liquéfaction des foyers de nécrose

=> peuvent être asymptomatiques (révélés par scanner ou échographie de contrôle) ou douloureux.
Disparition spontanée (50%) ou complication à type de rupture, d'hémorragie, de compression des organes de voisinnage (voies biliaires, duodénum, vaisseaux, etc.)

Sinon possible insuffisance pancréatique exocrine (troubles de la digestion) et/ou endocrine (diabète), surtout si PA sévère.

Infection des oulées de nécrose pancréatique

Délai : dans les 2 à 4 semaines.

Mécanisme : translocation bactérienne digestive.

Signes évocateurs : fièvre, majoration du SRIS et des marqueurs inflammatoires biologiques (CRP), bulles d'air au sein des coulées de nécrose au scanner (inconstant).

Diagnostic différentiel : autres infections
=> prélèvements bactériologiques multisites : ECBU, prélèvements pulmonaires, écouvillons de cathéters, etc.

Prise en charge :

  • Ponction-drainage (percutané radioguidé ou endoscopique) : si suspicion de surinfection, à visée de documentation bactériologique et thérapeutique
  • Antibiothérapie probabiliste si sepsis/choc septique, puis adaptée aux prélèvements bactériologiques
  • Nécrosectomie chirurgicale : en dernier recours, si échec

Complications potentielles :

  • Erosion vasculaire entraînant un pseudo-anévrisme : risque de rupture dans le péritoine ou un organe creux
  • Thrombose porte ou thrombose mésentérique

Pronostic

Mortalité globale toutes pancréatites aigües confondues : 5%.
Si bénigne : < 1%.
Si sévère : 10%, plus élevée si infection de coulées de nécrose.

Pronostic initiale conditionné par les complications immédiates : état de choc, détresse respiratoire, syndrome de défaillance multiviscérale, etc.