Pancréatite aigüe (PA) : inflammation aigüe du pancréas associant oedème interstitiel et cytostéatonécrose (pancréas et tissus avoisinants)
2 formes : PA bénigne oedémateuse (80%) et PA sévère nécrosante (20%)
Mécanisme : autodigestion par les enzymes pancréatiques protéolytiques
Diagnostic clinicobiologique
Association : douleur abdominale évocatrice + lipasémie > 3 normales (N)
- Douleur pancréatique : épigastrique, début rapide (quelques heures), transfixiante (irradiation dorsale), inhibe la respiration, position antalgique en "chien de fusil"
- Autres signes cliniques possibles : iléus réflexe, vomissements, météorisme, fièvre, tachycardie, hypotension
- Lipasémie : augmentation précoce (maximum en 24-48h après le début de la douleur) et parfois très brève (quelques jours), non corrélée à la gravité, aucune valeur pronostique
Rôle de l'imagerie
Imagerie : pas nécessaire au diagnostic de PA mais utile pour l'enquête étiologique et la gravité
- Echographie abdominale : systématique, idéalement avant la 48e heure
Chercher : lithiase vésiculaire, dilatation de la voie biliaire principale, lithiase de la voie biliaire principale - Scanner abdominopelvien avec injection de produit de contraste : évalue la gravité, élimine les diagnostics différentiels, à faire vers 72h (car avant minimise la gravité)
Chercher : nécrose pancréatique (défaut de réhaussement au temps précoce) ou péripancréatique, collections de nécrose, complications (ascite, épanchements pleuraux, fistule, hémorragie ou perforation d'un organe creux)
Si score de sévèrité CTSI >= 4 (nécrose et inflammation pancréatique) : risque élevé de décès / complications
Diagnostics différentiels
- Infarctus myocardique inférieur
- Ulcère gastroduodénal, perforé ou non
- Cholécystite aiguë
- Infarctus mésentérique
- Péritonite
- Rupture d'anévrisme de l’aorte abdominale
Gravité
Si gravité : soins intensifs ou réanimation
- syndrome de réponse inflammatoire systématique (SRIS)
- défaillances d'organes : état de choc, neurologique, insuffisance rénale, détresse respiratoire, coagulation intravasculaire disséminée, etc.
- terrain du patient : décompensation de pathologies chroniques
Etiologies
Pancréatite aigüe biliaire (40%) :
- Mécanisme : migration lithiasique dans la voie biliaire principale (VBP)
- Terrain : sexe féminin, > 50 ans, obésité, variation pondérale récente (après chirurgie bariatrique), grossesse en cours, multiparité, antécédents familiaux de lithiases biliaires
- Clinique : tableau d'angiocholite aigüe
- Biologie : pic précoce des transaminases ASAT/ALAT (> 3 N, voire > 10 N), possiblement associé à une cholestase (phosphatases alcalines, gamma-GT) et une hyperbilirubinémie.
Pancréatite aigüe alcoolique (40%) :
- Terrain : homme, 40-50 ans, éthylisme chronique (> 10 ans souvent, > 100 g/jour d'éthanol pur), autres maladies liées à l'alcool associées
- Clinique : signes d'éthylisme chronique
- Biologie : anomalies pré-existantes, macrocytose, élévation de la gamma-GT
Autres causes possibles :
- Tumorale : à évoquer si > 50 ans sans éthylisme ni biliaire
Compression extrinsèque du canal pancréatique principal (de Wirsung) - Médicamenteuse : inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC)
- Métabolique :
- hypertriglycéridémie (dosage systématique car diminution rapide dès la mise à jeûn),
- hypercalcémie (dosage systématique)
- Traumatique : accident de la voie publique
- Iatrogène : cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE), sphinctérotomie endoscopique
- Infectieuse : virus (oreillons, CMV, EBV, échovirus, coxsackie), parasites (ascaris)
- Ischémique : contexte de bas débit prolongé (après réanimation intensive, chirurgie abdominale ou cardiaque)
- Auto-immune
- Génétique : récidivantes dès l'enfance
- Idiopathique : 15% des cas
Prise en charge symptomatique
Dans tous les cas :
- Oxygénothérapie à la phase initiale
- Analgésie multimodale
- Prophylaxie thrombo-embolique ou anticoagulation curative si thrombose
- Rééquilibration hydro-électrolytique
- Aucune antibiothérapie préventive
- A jeun tant que les douleurs sont importantes
- Sonde nasogastrique en aspiration si vomissements
Si PA non grave : hospitalisation en secteur conventionnel
- Alimentation dès diminution des douleurs : 48-72h généralement
- Surveillance clinique quotidienne
Si PA grave : hospitalisation en soins intensifs ou réanimation si défaillances d'organes
- Mesures de réanimation
- Nutrition artificielle rapide : dans les 48h, par voie entérale de préférence, pour prévenir l'infections des coulées de nécrose
- Surveillance clinique et biologique pluriquotidienne
Prise en charge étiologique d'une PA biliaire
- Extraction des calculs enclavés dans le cholédoque : cholangiographie rétrograde endoscopique (CPRE) avec sphinctérotomie en urgence (< 24h) en cas d'angiocholite initialement associée, sinon à distance
- Antibiothérapie probabiliste après hémocultures si angiocholite associée
- Cholécystectomie : à discuter selon gravité (durant l'hospitalisation si PA non sévère, idéalement avant la reprise d'alimentation orale idéalement car favorise les contractions vésiculaires et augmente les récidives, à différer d'un mois si PA sévère)
Prise en charge étiologique d'une PA non biliaire
- Traitement de la cause : arrêt de l'alcool (prévention du syndrome de sevrage), correction des anomalies métaboliques, etc.
- Prise en charge des facteurs aggravants : arrêt du tabac
Complications potentielles
- Pseudokystes : collections liquidienne due à une fistule pancréatique
- Collections nécrotiques organisées : organisation et liquéfaction des foyers de nécrose
=> peuvent être asymptomatiques (révélés par scanner ou échographie de contrôle) ou douloureux.
Disparition spontanée (50%) ou complication à type de rupture, d'hémorragie, de compression des organes de voisinnage (voies biliaires, duodénum, vaisseaux, etc.)
Sinon possible insuffisance pancréatique exocrine (troubles de la digestion) et/ou endocrine (diabète), surtout si PA sévère.
Infection des oulées de nécrose pancréatique
Délai : dans les 2 à 4 semaines.
Mécanisme : translocation bactérienne digestive.
Signes évocateurs : fièvre, majoration du SRIS et des marqueurs inflammatoires biologiques (CRP), bulles d'air au sein des coulées de nécrose au scanner (inconstant).
Diagnostic différentiel : autres infections
=> prélèvements bactériologiques multisites : ECBU, prélèvements pulmonaires, écouvillons de cathéters, etc.
Prise en charge :
- Ponction-drainage (percutané radioguidé ou endoscopique) : si suspicion de surinfection, à visée de documentation bactériologique et thérapeutique
- Antibiothérapie probabiliste si sepsis/choc septique, puis adaptée aux prélèvements bactériologiques
- Nécrosectomie chirurgicale : en dernier recours, si échec
Complications potentielles :
- Erosion vasculaire entraînant un pseudo-anévrisme : risque de rupture dans le péritoine ou un organe creux
- Thrombose porte ou thrombose mésentérique
Pronostic
Mortalité globale toutes pancréatites aigües confondues : 5%.
Si bénigne : < 1%.
Si sévère : 10%, plus élevée si infection de coulées de nécrose.
Pronostic initiale conditionné par les complications immédiates : état de choc, détresse respiratoire, syndrome de défaillance multiviscérale, etc.