Définition d'un état de choc : insuffisance circulatoire à l'origine d'une inadéquation entre les besoins et les apports en oxygène, aboutissant à une souffrance énergétique cellulaire, responsable de défaillances d'organes.
Diagnostic
Attention : les critères diagnostics d'un état de choc ne sont pas consensuels selon les étiologies. De manière générale, cela associe des critères :
- Paramètres vitaux : hypotension artérielle (PAS < 90 mmHg, PAM < 65 mmHg, baisse de 30% par rapport aux valeurs habituelles), possible tachycardie réactionnelle
- Signes d'hypoperfusion périphérique : marbrures (surtout aux genoux), extrêmités froides, temps de recoloration cutanée allongé (> 3 secondes)
- Signes de souffrance d'organe : troubles neurologiques (de la confusion jusqu'au coma), oligo-anurie, polypnée (> 22/minute), etc.
- Biologique : hyperlactatémie > 2 mmol/l (reflet du métabolisme anaérobie)
Principes de prise en charge immédiate
Urgence diagnostique et thérapeutique : besoin d'aide (soignants, réanimateur, etc.), désignation d'un leader pour coordination et communication sur les tâches à effectuer.
1. Monitorage des paramètres vitaux : électrocardioscope, SpO2, pression artérielle
2. Evaluer et traiter en priorité ce qui tue le plus rapidement : traitements symptomatiques
- A (airway) : libérer les voies aériennes
Exemples : aspirer les sécretions buccales (vomi, etc.) , subluxation mandibulaire, vérifier qu'un dentier n'a pas été avalé, etc. - B (breathing) : optimiser la ventilation et l'oxygénation
Exemples : oxygénothérapie systématique, examen pulmonaire, exsufflation si pneumothorax, etc. - C (circulation) : optimiser l'hémodynamique
Exemples : voies veineuses, remplissage vasculaire (500 ml de cristalloide chez l'adulte, 20 ml/kg chez l'enfant en débit libre), identification et arrêt d'un saignement, support vasopresseur et/ou inotrope, etc. - D (disability) : évaluation neurologique de base
Exemples : score de Glasgow, examen des pupilles - E (exposure) : optimiser l'environnement
Exemples : sondage urinaire, thermique, gastrique, réchauffement, antibiothérapie, extraction d'un milieu hostile, etc.
3. Recueil anamnestique : identifier la cause
4. Examens complémentaires : enquête étiologique, évaluation de la gravité, bilan préthérapeutique
5. Traitement étiologique
Etiologies
4 cadres nosologiques selon le profil hémodynamique et la physiopathologie :
- Chocs cardiogéniques
- Chocs hypovolémiques : choc hémorragique, déshydratation majeure
- Chocs distributifs : choc septique, choc anaphylactique
- Chocs obstructifs : embolie pulmonaire, pneumothorax, tamponnade
Examens complémentaires
Enquête étiologique :
- Electrocardiogramme (ECG), tropinine
- Radiographie thoracique
- Autres imageries selon les points d'appel : scanner surtout, échocardiographie transthoracique (ETT, pour évaluer le profil hémodynamique)
Evaluation de la gravité :
- Numération sanguine : hyperleucocytose, lymphopénie
- Bilan d'hémostase (TP, TCAr, fibrinogène, calcium) : coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
- Ionogramme sanguin et créatininémie : insuffisance rénale aigüe, troubles ioniques
- Bilan hépatique : "foie de choc" (ou hépatite ischémique)
- Gazométrie artérielle : hypoxémie, acidose
- Lactatémie artérielle (à privilégier, sinon veineuse)
Bilan préthérapeutique :
- Choc hémorragique : groupages sanguins (2 déterminations), recherche d'agglutinines irrégulières (RAI)
- Choc septique : hémocultures, uroculture, examens bactériologiques des crachats (ECBC), etc.
Etats de choc cardiogéniques
Causes : infarctus du myocarde, myocardite, valvulopathie
Physiopathologie : défaillance de la pompe cardiaque responsable d'une diminution du débit cardiaque.
Profil hémodynamique : débit cardiaque diminué, précharge augmenté, résistances vasculaires systémiques variables.
Principes de prise en charge : réanimation, unité soins intensifs de cardiologie (USIC)
- Si oedème aigü pulmonaire (défaillance cardiaque gauche) : position demi-assise, diurétiques, ventilation non-invasive
- Si insuffisance cardiaque droite isolée : remplissage prudent
- Dans tous les cas : évaluer la nécessité d'un support inotrope (Dobutamine) et/ou d'un support vasopresseur (Noradrénaline).
- Attention : ne pas prescrire les médicaments hypotenseurs utilisés en cas d'insuffisance cardiaque aigüe sans état de choc (dérivés nitrés, inhibiteurs calciques, bétabloquants, etc.).
Traitements étiologiques :
- Syndrome coronaire aigü (SCA) : revascularisation coronaire (coronarographie), antiagrégants plaquettaires, etc.
- Troubles du rythme : antiarythmique, choc électrique externe, etc.
- Intoxication aux cardiotropes : cf item spécifique, discuter assistance cardiaque temporaire
- Valvulopathie : chirurgie
- Dissection aortique : chirurgie
Etats de choc hypovolémiques
Causes : hémorragie, diarrhées / vomissements profus.
Physiopathologie : diminution de la volémie responsable d'une diminution du débit cardiaque.
Profil hémodynamique : débit cardiaque abaissé, précharge très abaissée, résistances vasculaires systémiques augmentées.
Choc hémorragique
Principes de prise en charge :
1. Identifier la localisation du saignement :
- Extériorisé :
- Hématémèse, méléna, rectorragie : endoscopie digestive haute, rectosigmoïdoscopie
- Plaie vasculaire / traumatique : compression externe, garrot, avis chirurgical
- Gynéco-obstétricale : examen sous valve, révision utérine
- Non extériorisé :
- Traumatique : échographie (eFAST, radiographies (thorax, bassin), scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté
- Non traumatique : scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté
2. Arrêter l'hémorragie
- Plaie : compression, garrot, suture
- Autres : appels chirurgiens (viscéral, obstétricien, traumatologue), endoscopiste, etc.
3. Mesures symptomatiques :
- Remplissage vasculaire : solutés cristalloïdes
- Transfusion sanguine : priviléger des culots phénotypés Rh-Kel dès que possible, sinon transfuser du O négatif chez la femme en âge de procréer, sinon O positif
- Correction des troubles de l'hémostase : facteurs de coagulation et/ou concentrés de complexe prothrombinique si anticoagulants oraux, supplémentation calcique, transfusion de plasma frais congelé (PFC) et fibrinogène, acide tranexamique
- Support vasopresseur en absence de réponse au remplissage (Noradrénaline)
- Corriger une hypothermie
Etats de choc distributifs
Causes : infections (choc septique), choc anaphylactique
Physiopathologie complexe : association de plusieurs mécanismes :
- Hypovolémie relative par vasoplégie : le contenu (le volume sanguin) est inadapté au contenant (le diamètre des vaisseaux)
- Shunts microcirculatoires par redistribution vasculaire : territoires hypovascularisés
- Anomalies inflammatoires et métaboliques : dysfonctionnement mitochondrial
Profil hémodynamique : débit cardiaque variable (peut être augmenté surtout à la phase initiale du choc septique, mais possible sidération), précharge abaissé, résistances vasculaires systémiques très abaissées.
Choc septique (cf item spécifique)
Principe de prise en charge :
- Réanimation : remplissage vasculaire (cristalloïdes), support vasopresseur (Noradrénaline)
- Identification du foyer infectieux : clinique, imagerie (scanner surtout), etc.
- Prélèvements infectieux : hémocultures, uroculture, etc.
- Eviction du foyer infectieux :
- Chirurgie si foyer profond
- Antibiothérapie : initialement large spectre, puis adaptée secondairement
Choc anaphylactique (cf item spécifique)
Gradation de l'état de choc selon la classification de Ring et Messmer en 4 stades, permettant de d'intensifier les traitements.
1. Prise en charge du l'état de choc :
- Eviction des allergènes potentiels
- Injection d'Adrénaline : intramusculaire à privilégier (0,01 mg/kg), sinon intraveineux si disponible (dose 10 fois moindre qu'en IM)
- Remplissage vasculaire par cristalloïdes
2. Prise en charge d'une insuffisance respiratoire associée :
- Position assise
- Si obstruction des voies aériennes supérieures : aérosols d'Adrénaline (5 mg), intubation trachéale
- Si obstruction des voies aériennes inférieures : aérosols de béta-2-mimétiques (Salbutamol)
A noter :
- Corticothérapie (1 mg/kg de méthylprednisolone) : pas un traitement de l'urgence, mais pourrait prévenir l'effet rebond.
- Antihistaminique : efficace uniquement sur les signes cutanéomuqueux.
Choc neurogénique
Physiopathologie : atteinte médullaire cervicale (traumatisme, compression tumorale, etc.)
- Tétraplégie ou paraplégie haute, blocage du système orthosympathique
- Prédominance du parasympathique : vasoplégie sous-lésionnelle, hypotension, bradycardie
Principe de prise en charge :
- Examen neurologique détaillé : score Asia
- Immobilisation du rachis : collier cervical, plan dur, etc.
- Remplissage vasculaire par cristalloïde
- Support vasopresseur par Noradrénaline +/- chronotrope positif par Atropine
Etats de choc obstructifs
Physiopathologie : obstacle circulatoire
Causes : embolie pulmonaire (augmention de la post-charge du ventricule droit), tamponnade et pneumothorax (diminution du retour veineux)
Profil hémodynamique : débit cardiaque diminué, précharge augmentée, résistances vasculaires systémiques augmentées
Embolie pulmonaire (cf item spécifique)
Principes de prise en charge :
- Si état de choc et patient non transportable : échocardiographie transthoracique au lit du malade
- Coeur pulmonaire aigü : anticoagulation curative, discuter thrombolyse / thrombectomie
- Pas de défaillance cardiaque droite : chercher une autre cause, pas de thrombolyse
- Si patient stable et transportable : angioscanner
Pneumothorax (cf item spécifique)
Principes de prise en charge :
- Si état de choc : exsufflation puis drainage
Tamponnade (cf item spécifique)
Principes de prise en charge : échocardiographie transthoracique pour confirmer le diagnostic et évaluer le retentissement hémodynamique
- Drainage péricardique (sauf si dissection aortique)