Péricarde : enveloppe fibreuse, constituée de deux feuillets, englobant le coeur et la racine des gros vaisseaux.
Péricardite : inflammation aigüe du péricarde, pouvant être associée à un épanchement péricardique.
Si élévation de la troponinémie : myocardite ou myopéricardite.
Suspicion dès l'examen clinique
Signes généraux : fièvre, myalgies, asthénie.
Signes fonctionnels : douleur thoracique (rétrosternale ou précordiale gauche, permanente, résistante à la trinitrine, majorée en décubitus dorsal, à l'inspiration profonde et à la toux, calmée à l'antéflexion), dyspnée (positionnelle : orthopnée), dysphonie, dysphagie, hoquet
Signes physiques : frottement péricardique précoce, râpeux, systolodiastolique, variable dans le temps et selon la position, ressemblant à un crissement de cuir neuf / froissement de soie.
Possibles signes d'épanchement pleural associé : disparition du murmure vésiculaire, matité à la percussion.
Examens complémentaires
Bilan biologique
- Marqueurs inflammatoires : NFS (hyperleucocytose), CRP (syndrome inflammatoire)
- Marqueurs de nécrose myocardique : troponine
- Insuffisance rénale (avant prescription d'AINS) : ionogramme sanguin, créatininémie
Signes électrocardiographiques (ECG)
L'ECG peut être normal : il doit être répété régulièrement.
Signes précoces : tachycardie sinusale, sous-décalage du segment PQ.
Sinon anomalies diffuses non systématisées, d'évolution en 4 stades :
- Sus-décalage du segment ST concave vers le haut, diffus, sans miroir, sans onde Q, ondes T positives le premier jour
- Ondes T plates entre la 24e et la 48e heure
- Ondes T négatives la première semaine
- Normalisation durant le premier mois
Si épanchement abondant :
- Microvoltage : amplitude des QRS < 5 mm et < 10 mm dans les dérivations périphériques et précordiales
- Alternance électrique (équivalent électrique du "swinging heart" à l'échographie) : QRS d'amplitude variables
Radiographie thoracique
- Normale : le plus souvent
- "Coeur en carafe" : rectitude du bord gauche du coeur si l'épanchement est abondant
- Epanchement pleural parfois associé
Echocardiographie transthoracique (ETT)
- Normale : surtout si péricardite "sèche"
- Epanchement : décollement des 2 feuillets contenant un espace hypoéchogène (noir)
Abondance : minime (< 10 mm), modérée (10-20 mm), abondant (> 20 mm)
Retentissement hémodynamique : compression des cavités cardiaques (droites surtout), aspect de "swinging heart", déplacement du septum paradoxal - Masse péricardique : étiologie tumorale (rare)
Confirmation diagnostique
Pour confirmer le diagnostic de péricardite, il faut au moins 2 des critères suivants :
- Douleur thoracique caractéristique
- Frottement péricardique
- Modifications ECG typique
- Epanchement péricardique à l'imagerie
Complications potentielles
Une péricardite peut se compliquer :
- Myocardite (ou myopéricardite) : élévation de la troponine, diagnostic à l'IRM (réhaussement sous-épicardique), risque d'insuffisance cardiaque et de troubles du rythme ventriculaire
- Tamponnade : la pression exercée par l'épanchement péricardique contre les cavités cardiaques (droites surtout) les empêchant de se remplir correctement (adiastolie), pouvant entraîner un état de choc cardiogénique (surtout si abondant et brutal) voire un arrêt cardiorespiratoire (par dissociation électromécanique).
- Récidives : fréquente, surtout si péricardite aigüe bénigne
- Constriction péricardique : surtout si péricardite chronique calcifiante, évolution vers une insuffisance cardiaque droite, diagnostic au cathétérisme cardiaque droit.
Hospitalisation si risque de complications
Si un ou plusieurs des éléments suivants sont présents, il est nécessaire d'hospitaliser le patient :
- Hyperalgie : malgré première dose d'AINS
- Facteurs prédictifs de tamponnade : fièvre > 38°C, symptômes présents depuis plusieurs semaines, immunodépression, anticoagulants, post-traumatique.
- Myocardite associée (élévation de la troponine)
- Epanchement péricardique abondant (> 20 mm) ou tamponnade (retentissement hémodynamique)
- Résistance au traitement bien conduit depuis 1 semaine (AINS ou Aspirine)
Signes de gravité
Les signes de gravité d'une péricardite aigüe ou d'une myocardite sont les suivants :
- Clinique : insuffisance cardiaque droite (turgescence jugulaire, reflux hépatojugulaire), état de choc cardiogénique (tachycardie, pression artérielle systolique < 90 mmHg, marbrures, temps de recoloration cutanée allongé, extrêmités froides), pouls paradoxal (PAS augmentée de +10 mmHg à l'inspiration), fièvre > 38°C.
- Biologique : élévation de la troponinémie
- ECG : microvoltage, alternance électrique (tamponnade), troubles du rythme ventriculaire (myocardite)
- Echographique : épanchement > 20 mm, "swinging heart", compression des cavités droites, septum paradoxal
Bilan étiologique
Péricardite aigüe virale : 90% des cas
Bénigne le plus souvent, très rare tamponnade
Clinique : homme jeune sans antécédent avec épisode pseudogrippal récente
Récidives fréquentes : 30 - 50%
Epanchement : lymphocytaire non purulent
Bilan étiologique viral et auto-immun non nécessaire si forme simple
Sinon sérologies virales (à répéter à 15 jours d'intervalle) : entérovirus (coxsackies A et B), échovirus, adénovirus, cytomégalovirus, parvovirus B19, Epstein-Barr, herpès VIH, hépatite C, influenza, coronavirus (COVID-19), etc.
Diagnostic de certitude : PCR sur liquide drainé ou biopsie péricardique, mais rarement réalisée (ponction péricardique risquée et faible impact sur la thérapeutique).
Péricardite après infarctus du myocarde
- Péricardite précoce à J3 - J5 d'un infarctus transmural : hémopéricarde par effusion
Evolution favorable si minime, chirurgie en urgence si rupture myocardique - Péricardite tardive à 2 - 16e semaine (syndrome de Dressler) : fièvre, pleurésie, arthralgies, altération de l'état général, syndrome inflammatoire, allongement de l'intervalle QT à l'ECG
Autres causes (rares)
- Péricardite bactérienne purulente : plus grave, pronostic plus sévère
Clinique : forte fièvre, choc septique, immunodépression, post-opératoire de chirurgie cardiaque ou thoracique
Evolution : tamponnade, constriction péricardique
Germes : staphylocoques, pneumocoques, streptocoques, bacilles Gram négatif, champignons
Traitement : antibiothérapie adaptée au germe retrouvé dans le liquide péricardique, drainage chirurgical - Péricardite tuberculeuse :
Clinique : subaigüe, fièvre, altération de l'état général, contage tuberculose, immunodépression, anomalies pulmonaires associées
Biologie : recherche le bacille de Koch
Echographie : calcifications péricardiques
Evolution : tamponnade, constriction péricardique
Traitement : antituberculeux, corticothérapie à discuter - Péricardite néoplasique :
Clinique : altération de l'état général
Etiologique : localisation secondaire généralement (surtout pulmonaire, lymphomes), rarement primitif péricardique (mésothéliome)
Epanchement : souvent hémorragique
Traitement : drainage chirurgical, discuter fenêtre péricardique - Péricardite des maladies auto-immunes / maladies de système : contexte évocateur, souvent associée à une pleurésie.
Etiologies : lupus surtout - Péricardite radique :
Contexte : radiothérapie médiastinale (cancer du sein gauche surtout)
Evolution : péricardite chronique constrictive - Rarement : hypothyroïdie, médicamenteuse, amylose cardiaque, dissection aortique (gravité), insuffisance cardiaque, hypertension artérielle pulmonaire, post-traumatique, insuffisance rénale chronique terminale, congénitale (agénésie, kyste), etc.
Traitement d'une péricardite aigüe bénigne
- Repos (au moins 3 mois) : arrêt du sport jusqu'à résolution des symptômes, normalisation biologique, ECG et échographique
- Double traitement anti-inflammatoire :
- AINS : Aspirine (1000 mg, 3 fois/jour) ou Ibuprofène (800 mg, 3 fois/jour), avec décroissance selon les symptômes et le syndrome inflammatoire
- Colchicine (0,5 mg matin et soir si poids > 70kg, sinon 0,5 mg matin) pendant 3 mois
Attention aux interactions médicamenteuses.
Surveillance biologique stricte : hémogramme, fonction rénale, rhabdomyolyse, transaminases.
Contre-indication : insuffisance rénale sévère.
- Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) : selon les recommandations de la HAS.
- Pas de corticoïdes en première intention.
Traitement de l'urgence : drainage péricardique
Indications : tamponnade, retentissement hémodynamique à l'échographie.
A discuter si épanchement abondant chronique.
2 techniques possibles :
- Percutanée (péricardiocentèse) : ponction sous-sternale à l'aiguille avec écho-repérage.
A privilégier si patient instable hémodynamiquement - Chirurgicale (drain de plus gros calibre) : à privilégier si suspicion d'épanchement purulent.
Cela permet une analyse du liquide drainé pour l'enquête étiologique : bactériologie, virologie, cytologie.
Il faut également penser aux mesures symptomatiques de réanimation : équipements (voies veineuses de bon calibre), remplissage vasculaire prudent, catécholamines (Noradrénaline ou Dobutamine selon le profil de l'état de choc).
Attention : la ventilation artificielle en pression positive (intubation ou ventilation non-invasive) risque d'aggraver la défaillance hémodynamique.