Item 226 à l'EDN : Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire

Fiche de révision pour l'EDN

Thrombose veineuse profonde (TVP) et embolie pulmonaire (EP) : deux entités principales de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV).

  • Thrombose veineuse profonde : obstruction veineuse (partielle ou totale) par un thrombus endoluminal, pouvant se situer tout au long de l'arbre veineux (le plus fréquemment aux membres inférieurs).
  • Embolie pulmonaire : conséquence de la migration d'un thrombus veineux vers les artères pulmonaires.

Facteurs de risque

Transitoires

  • Majeurs :
    • chirurgie avec anesthésie générale > 30 minutes dans les 3 derniers mois : orthopédie (prothèse totale de hanche, de genou, etc.), neurochirurgie, chirurgie carcinologique, etc.
    • traumatologie : fracture des membres inférieurs, plâtre, etc.
    • immobilisation médicale > 3 jours : accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque aigüe, sepsis, décompensation respiratoire, etc.
    • gynécologie-obstétrique : contraception oesotroprogestative, grossesse, postpartum, traitement hormonal substitutif de la ménopause, etc.
  • Mineurs : 
    • traumatologie : mobilité réduite d'un membre inférieur non plâtré, etc.
    • voyage : prolongé (avion > 6 heures)

Persistants

  • Cancer : actif ou traité, syndrome myéloprolifératif, etc.
  • Antécédents de maladie thrombo-embolique veineuse : personnels ou apparentés de premier degré
  • Thrombophilies "sévères" : syndrome des antiphospholipides, déficit en antithrombine
  • Maladies inflammatoires chroniques : digestives, articulaires, syndrome néphrotique, etc.
  • Terrain : âge (risque croissant), obésité, etc.

Physiopathologie

Triade de Virchow :

  1. Stase veineuse : alitement
  2. Lésions de la paroi veineuse : fragilité / varices / télangiectasies augmentent avec l'âge
  3. Hypercoaguabilité : thrombophilie (acquise ou héréditaire), situations thrombogènes (cancer, maladies inflammatoires, etc.)

Modalités diagnostiques

Signes cliniques

Présentation clinique polymorphe : peut être asymptomatique, de découverte fortuite.

  • Thrombose veineuse profonde : douleur spontanée brtuale d'un membre inférieur, oedème unilatéral, dilatation veineuse superficielle en absence de varices prééxistantes
  • Embolique pulmonaire : douleur basi- ou latéro-thoracique, dyspnée, expectorations hémoptoïques, tachycardie, lipothymie, syncope, défaillance hémodynamique avec signes de choc / de coeur droit.

Scores de probabilité clinique

Score de probabilité clinique : calcul nécessaire dès la suspicion de MTEV pour définir la conduite à tenir.

Score de Wells TVP
Items Points
Antécédent personnel de TVP documenté +1
Paralysie, parésie, immobilisation plâtrée récente d'un membre inférieur +1
Alitement récent > 3 jours ou chirurgie < 3 mois +1
Cancer actif +1
Douleur / sensibilité le long d'un trajet veineux profond +1
Augmentation de volume de tout le membre inférieur +1
Circonférence du mollet > 3 cm par rapport au mollet controlatéral (mesure 10 cm au-dessous de la tubérosité tibiale) +1
Oedème unilatéral prenant le godet +1
Collatéralité veineuse non variqueuse +1
Diagnostic alternatif au moins aussi probable -2

Interprétation du score de Wells TVP :

  • Si score < 2 : score faible, TVP peu probable
  • Si score >= 2 : score fort, TVP probable
Score de Wells EP
Items Points
Antécédent personnel de TVP / EP +1
Chirurgie ou immobilisation < 4 semaines +1
Cancer actif +1
Fréquence cardiaque > 100/min +1
Signes cliniques de TVP +1
Hémoptysie +1
Diagnostic alternatif moins probable que l'EP +1

Interprétation du score de Wells EP :

  • Si score < 2 : score faible, EP peu probable
  • Si score >= 2 : score fort, EP probable

Dosage des D-dimères

D-dimères : produits de dégradation de la fibrine (élévation si thrombose car activation de la fibrinolyse physiologique.
Dosage par méthode ELISA.

Seuil diagnostique :

  • Avant 50 ans : < 500 μg/L
  • Après 50 ans : âge * 10 μg/L

Augmentation non spécifique (âge avancé, grossesse, inflammation, infection, cancer, bronchopneumopathie chronique obstructive, etc.) mais forte valeur prédictive négative (si taux normal : aucun processus thrombotique en cours).

Imagerie

  • TVP : écho-doppler veineux des membres inférieurs, aucune contre-indication.
    Signes : veine incompressible.
  • EP :
    • Angioscanner thoracique en priorité (examen de référence)
      Contre-indications : allergie aux produits de contraste iodés, insuffisance rénale sévère, irradiation (grossesse).
    • Si contre-indication : scintigraphie de ventilation / perfusion.
      Moins irradiante que le scanner : à discuter chez la femme enceinte.
      Signes : zones de discordance (mismatch) entre segments pulmonaires bien ventilés mais mal perfusés.
    • Sinon écho-doppler veineux (grossesse, insuffisance rénale sévère, etc.) : diagnostic d'EP retenu si symptomatologie d'EP compatible et  présence d'une TVP proximale (poplitée ou sus-poplitée).

Algorithmes diagnostiques

Si score de probabilité clinique faible : dosage des D-dimères, ou imagerie d'emblée si circonstances pouvant augmenter les D-dimères

  • Si D-dimères < seuil : diagnostic exclu
  • Si D-dimères > seuil : imagerie

Si score de probabilité clinique fort : imagerie d'emblée
Ne pas attendre les résultats pour débuter une anticoagulation curative.

Diagnostics différentiels

TVP : kyste poplité, hématome intramusculaire, déchirure musculaire, etc.

EP : pneumopathie, cancer bronchopulmonaire, etc.

Prise en charge d'une TVP

Si probabilité clinique élevée : anticoagulation curative sans attendre la confirmation par l'imagerie.

Autres mesures thérapeutiques : compression élastique de classe 3 
Utilité : diminution de l'oedème et de la douleur en phase aigüe, réduction du syndrome post-thrombotique à distance (minimum 6 mois)
Contre-indication : index de pression systolique (IPS) à la cheville < 0,6

De manière générale : prise en charge en ambulatoire.

Hospitalisation si : insuffisants rénaux sévères (DFG < 30 ml/min), pathologie à risque hémorragique, contexte psychosocial ne permettant pas une prise en charge à domicile, TVP proximale avec syndrome obstructif sévère ou localisation particulière (ilio-cave), TVP ischémique (phlegmatia coerulea), récidive malgré traitement anticoagulant bien conduit, EP associée non à faible risque, etc.

Prise en charge d'une EP non grave

Si probabilité clinique élevée : anticoagulation curative sans attendre la confirmation par l'imagerie.

Dès diagnostic posé : évaluer la gravité (score sPESI) pour décider du lieu de prise en charge initial (ambulatoire, hospitalisation conventionnelle, soins intensifs, réanimation) pour continuer les soins associés.

Score sPESI
Items Points
Âge > 80 ans +1
Cancer +1
Insuffisance cardiaque chronique ou pathologie respiratoire chronique +1
Fréquence cardiaque > 110/min +1
Pression artérielle systolique < 100 mmHg +1
Saturation artérielle en oxygène < 90% +1

Interprétation du sPESI:

  • EP à faible risque de mortalité : si score sPESI = 0 et aucun retentissement cardiaque à l'imagerie :
  • EP à risque intermédiaire : si sPESI >= 1 ou retentissement cardiaque en imagerie
    Nécessité d'évaluer le retentissement cardiaque biologique : troponinémie
    • Si Troponines élevées : EP à risque intermédiaire haut
    • Si Troponines normales : EP à risque intermédiaire bas

EP grave (ou EP à haut risque de mortalité)

Défaillance hémodynamique :

  • Pression artérielle systolique (PAS) < 90 mmHg ou chute > 40 mmHg pendant plus de 15 minutes
  • En absence d'une autre cause : sepsis, arythmie, hypovolémie, etc.

Urgence absolue : risque de mortalité > 30%, justifiant une hospitalisation en réanimation.

Diagnostic : angioscanner thoracique sans délai
Si impossible : échographie cardiaque transthoracique (ETT) au lit du patient pouvant visualiser des signes indirects (coeur pulmonaire aigü, hypertension pulmonaire, septum paradoxal, etc.).

Thérapeutique : fibrinolyse en absence de contre-indication absolue, anticoagulation par héparine non fractionnée (HNF) jusqu'à stabilisation.

Choix du traitement anticoagulant

Anticoagulants oraux directs (AOD) : Apixaban, Rivaroxaban.
Disponibles per os, pas de surveillance particulière.
Contre-indications : insuffisance rénale sévère (DFG < 30 ml/min), grossesse, allaitement.

AVK avec héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou Fondaparinux :
Débuter un AVK dès le premier jour de traitement, en association avec une autre anticoagulation curative parentérale (HBPM ou Fondaparinux) temporairement jusqu'à l'obtention de 2 dosages d'INR > 2 à au moins 24 heures d'intervalle, afin de poursuivre l'AVK seul.

Héparine non fractionnée (HNF) : réservée aux EP graves et aux TVP en cas d'insuffisance rénale sévère (DFG < 15 ml/min)
Bolus initial de 5000 UI puis entretien à 500 UI/kg/jour nécessitant des dosages d'activité anti-Xa (contrôles quotidiens et à chaque changement de doses).
Risque de thrombopénie induite à l'héparine (TIH) : contrôle hémogramme 2 fois/semaine pendant 3 semaines.
Si bonne évolution : relai AVK.

Durée de l'anticoagulation

Durée minimale si TVP proximale ou EP : 3 mois d'anticoagulation efficace, surtout si facteur favorisant transitoire identifié.

Situations particulières : rapport bénéfices/risques à réévaluer régulièrement (thromboses, hémorragies, terrains)

  • TVP proximale / EP non provoquée (aucune cause identifiée) : 6 mois, prolongation à discuter
  • Récidives : traitement au long cours
  • Cancer : tant qu'il est considéré actif, HBPM à privilégier
  • Grossesse : au moins 3 mois, incluant les 6 premières semaines de postpartum
  • Coeur pulmonaire chronique post-embolique : traitement au long cours

A la fin du traitement : écho-doppler veineux de contrôle systématique.

Bilan étiologique

Si MTEV spontanée, en absence de facteur de risque clairement identifié :

  • Néoplasie : prostate, gynécologique, digestif, pulmonaire, etc.
  • Bilan de thrombophilie : à distance de la phase initiale, idéalement 3 semaines après l'arrêt du traitement anticoagulant (car pertubations des dosages)
    • Constitutionnelle : mutation du facteur V ou V Leiden, résistance à la protéine C activée, mutation du facteur II ou II Leiden, déficit en protéine C ou S ou antithrombine, élévation du facteur VIII, hyperhomocystéïnémie
    • Acquise : ACAN, anticoagulant circulants, Ac-anticardiolipines, Ac anti-B2GP1

Contraception

Si MTEV : tous les contraceptifs contenant des oesotrogènes sont contre-indications
Proposer une pilule microprogestative ou un stérilet.

Suivi à long terme

  • Evolution clinique : amélioration des symptômes (dyspnée), effets indésirables des traitements anticoagulants, etc.
  • Complications à long terme :
    • récidives
    • syndrome post-thrombotique (SPT) : destruction valvulaire et obstruction veineuse résiduelle
    • hypertension pulmonaire chronique post-embolique (coeur pulmonaire chronique) : élévation des résistnces à l'écoulement sanguin des artères pulmonaire de petit calibre, aboutissant à une insuffisance cardiaque droite

Thrombose veineuse superficielle (TVS)

Diagnostic clinique : cordon veineux induré, inflammation locale

Examen complémentaire : écho-doppler veineux des membres inférieurs, nécessaire pour recherche une TVP associée

Traitement si atteinte d'un membre inférieur :

  • compression élastique,
  • anticoagulation préventive pour 6 semaines : 1 injection par jour de Fondaparinux 2,5 mg en sous-cutané
  • si proximité avec le réseau veineux profond : à considérer comme une TVP
  • si survenue sur veine variqueuse : traitement des varices à discuter à distance

Prophylaxie de la MTEV

Evaluation systématique du risque thrombo-embolique veineux pour tout patient alité (hospitalisation ou à domicile) : thromboprophylaxie

  • physique : déambulation précoce, lutte contre la déshydratation
  • mécanique : compression élastique, compression pneumatique intermittente si contre-indication médicamenteuse
  • médicamenteuse : anticoagulant à dose prophylactique