Item 151 à l'EDN : Méningite, méningoencéphalite, abcès cérébral chez l'adulte et l'enfant

Fiche de révision pour l'EDN

Méningite : inflammation des méninges, la plupart du temps d'origine infectieuse.

Méningo-encéphalite : inflammation des méninges et de l'encéphale, d'origine infectieuse ou non (paranéoplasique, auto-immune, médicamenteuse, etc.).

Encéphalite infectieuse sans méningite : possible mais rare.

Abcès cérébral : collection de pus dans le parenchyme cérébral, possible sans association avec une méningite.

Empyème cérébral : collection de pus développée dans une cavité déjà formée, telle que l'espace sous-dural ou extra-dural.

Physiopathologie

Infection possible par tous les types de micro-organismes :

  • Virus : HSV1, VZV, CMV, EBV, entérovirus (chez l'enfant surtout l'été), virus ourlien, VIH, lyssavirus (rage)
  • Bactéries : méningocoque, pneumocoque, Listeria monocytogenes, tuberculose, borreliose, syphilis, leptospirose, etc.
  • Fongique : Cryptococcus neoformans, etc.
  • Parasite : neuropaludisme

La plupart du temps : colonisation des voies aériennes.
Puis infection de l'espace sous-arachnoïdien par :

  1. Diffusion hématogène (surtout si origine virale),
  2. Contiguïté (foyer bactérien ORL),
  3. Inoculation directe (brèche ostéoméningée, postopératoire).

Examen clinique 

Syndrome méningé :

  • Céphalées violentes, en casque
  • Photophobie
  • Nausées / vomissements, sans diarrhée
  • Raideur de nuque

Méningite : suspectée si syndrome méningé avec fièvre.
Chez l'enfant (difficile) : surtout hypotonie, refus d'alimentation, changement de comportement (pleurs inconsolables), modification du teint.

Encéphalite : suspectée si troubles neurologiques centraux

  • Trouble de la conscience : de la confusion jusqu'au coma
  • Signes de focalisation neurologiques
  • Crises convulsives

Abcès cérébral : absence de syndrome méningé le plus souvent, céphalées fréquentes, fièvre inconstante, signes d'hypertension intracrânienne (périmètre crânien, fontanelle bombante chez l'enfant), signes de focalisation (apparition progressive).

Suspicion de brèche ostéo-méningée : rhinorrhée claire, positive au glucose à la bandelette urinaire.

Critères cliniques de gravité

  • Purpura fulminans : purpura d'extension rapide et nécrotique, altération brutale de l'état général, possible autres éruptions (morbiliforme surtout) chez l'enfant
  • Troubles de la conscience : score de Glasgow < 12
  • Signes de focalisation neurologique
  • Signes de souffrance du tronc cérébral
  • Etat de mal convulsif
  • Etat de choc septique

Examen complémentaire

Bilan sanguin

  • Numération - formule sanguine
  • Ionogramme sanguin
  • Glycémie
  • Fonction rénale
  • Bilan hépatique
  • Bilan d'hémostase
  • Procalcitonine (PCT)
  • Gazométrie artérielle
  • Lactate artériel
  • Hémocultures

Ponction lombaire

Dès suspicion clinique de méningite : ponction lombaire en urgence.
Sauf si contre-indication :

  • Instabilité hémodynamique
  • Infection au site de ponction
  • Troubles de l'hémostase (suspecté ou connu)
  • Signe de focalisation neurologique
  • Crise convulsive persistante
  • Troubles de la conscience : score de Glasgow < 12
  • Signes d'engagement cérébral

Envoie des prélèvements en : cytologie (formule), biochimie (glucose, protéines, lactate), bactériologie (examen direct, culture et antibiogramme).

Orientation microbiologique en fonction des résultats :

Aspect Liquide trouble Liquide clair
Formule Prédominance de neutrophiles Prédominance lymphocytaire ou panachée*
Rapport glycorachie/glycémie < 0,4 < 0,4 > 0,4
Protéinorachie > 0,4 g/l > 0,4 g/l variable
Micro-organismes Streptococcus pneumoniae
Neisseria meningitidis
Listeria monocytogenes
Haemophilus influenzae
Escherischia coli et autres entérobactéries
Mycobacterium tuberculosis
Listeria monocytogenes
Autres bactéries au stade précoce de l'infection
Virus ourlien (responsables des oreillons)
Virus
Leptospirose
Borreliose
Brucellose
Syphilis

* Formule panachée : proportion égale de polynucléaires neutrophiles et de lymphocytes.

Si LCR hémorragique : hémorragie méningée ou ponction traumatique (liquide sanglant s'éclaircit durant le remplissage du tube) ?

Scanner cérébral

En première intention si ponction lombaire contre-indiquée.

Objectif : éliminer les complications (abcès, empyème) et les diagnostics différentiels (thrombophlébite cérébrale, épanchement sous-dural, hémorragie, tumeur, AVC, etc.).

Biopsie d'une lésion cutanée

En cas de ponction lombaire non réalisable : chercher méningocoque par PCR et culture.

IRM

Ne doit pas retarder la prise en charge.

Examen clé en cas pour caractériser au mieux un abcès cérébral ou une méningo-encéphalite.

Electro-encéphalogramme (EEG)

Ne doit pas retarder la prise en charge.

Pourrait aider au diagnostic d'encéphalite et de mieux la caractériser (localisation typique des encéphalites herpétiques).

Etiologies

Méningite à méningocoque

Bactériologie : diplocoque à gram négatif encapsulé, fragile (ne survit pas dans le milieu extérieur).
5 sérotypes principaux : A, B (60%), C (30%), Y, W135.
Portage nasopharyngé asymptomatique temporaire (adolescents et adultes jeunes) : 5-50% de la population.

Terrain : déficit en complément, asplénie, sujet jeune, non vacciné, hiver, cas groupés.

Contamination interhumaine directe via sécrétions oropharyngées : isolement et recherche de cas contact.

Clinique : début brutal, syndrome méningé franc, sepsis franc avec altération de l'état général, pas de signe de focalisation neurologique, purpura.

Liquide céphalorachidien (LCR) : purulent.

Méningite à pneumocoque

Bactériologie : cocci gram positif encapsulé, en diplocoque.

Contexte : âges extrêmes (surtout nourrissons), immunodéprimés (éthylisme, asplénie, VIH, hypogammaglobulinémie, etc.), non vacciné, infections récentes (ORL, pulmonaire), brèche ostéoméningée (traumatisme crânien, chirurgie de la base du crâne).

Aucune transmission interhumaine : pas d'isolement nécessaire.

Clinique : début brutal, syndrome méningé franc, signes de localisation neurologique fréquents, convulsions, coma.

LCR : purulent.

Méningite à Listeria monocytogenes

Bactérie : bacille gram positif, présent dans l'environnement (crudités, fromages non pasteurisés).

Contexte : âge > 50 ans, éthylisme, dénutrition, immunodépression, grossesse.

Pas de transmission interhumaine.

Clinique : début progressif, rhombencéphalite (atteinte du tronc cérébral).

LCR : panaché, parfois purulent sinon lymphocytaire et hypoglycorrachique.

Méningite tuberculeuse

Bactériologie : Mycobacterium tuberculosis (bacille acido-alcoolo-résistant).

Contexte : origine d'un pays endémique, immunodéprimé (VIH), âgé, primo-infection tuberculeuse non traitée.

Clinique : début progressif, altération de l'état général, syndrome méningé fruste, signes de localisation fréquents.

LCR : lymphocytaire, hypoglycorachique, protéinorrachie élevée (> 1 g/l), examen direct souvent négatif (culture longue, PCR).

Méningo-encéphalite virale (surtout à HSV1)

Physiopathologie : virus de la famille des Herpès.
Réactivation au sein des ganglions de Gasser : infection de l'encéphale par contiguïté.

Clinique : hyperthermie modérée, troubles de la personnalité avec syndrome frontal et/ou temporal, troubles de la mémoire, hallucinations

Principe de prise en charge

  • Hospitalisation d'urgence en soins intensifs / réanimation.
  • Isolement de type "gouttelettes" de principe.
  • Ce qui va conditionner le degré d'urgence et la prise la charge :
    1. Rechercher un purpura fulminans
    2. Rechercher une contre-indication à la ponction lombaire
    3. Rechercher des signes d'encéphalite associée

En présence d'un purpura fulminans

Urgence absolue :

  • Antibiothérapie immédiate : céphalosporine de troisième génération (C3G), intraveineuse (IV) ou intramusculaire (IM)
  • Appel systématique du 15 pour prise en charge préhospitalière
  • Prise en charge de l'état de choc septique : 2 voies veineuses de bon calibre, remplissage vasculaire, oxygénothérapie, etc.

Ponction lombaire : contre-indiquée dans l'urgence de cette situation, ne doit pas retarder l'antibiothérapie.

En absence de purpura fulminans

  1. Hémocultures
  2. Ponction lombaire en absence de contre-indication
  3. Anti-infectieux : selon la ponction lombaire (en absence de contre-indication), sinon d'emblée
    • Si LCR trouble : déxaméthasone et antibiothérapie
    • Si LCR clair : attendre les résultats cytologiques et biochimiques
      • En faveur d'une cause bactérienne : déxaméthasone et antibiothérapie
      • En faveur d'une autre cause : abstention thérapeutique (sauf si méningo-encéphalite à liquide clair)
  4. Si contre-indication à la ponction lombaire :
    • Scanner cérébral
    • Correction des contre-indications (instabilité hémodynamique) et PL dès que possible
  5. Précautions complémentaires
  6. Adaptation de l'antibiothérapie aux résultats microbiologiques dès que possible

Antibiothérapie probabiliste

En cas de suspicion de méningite bactérienne : antibiothérapie probabiliste à dose méningée selon les résultats de l'examen direct.

Examen direct Bactéries suspectées Antibiothérapie
Cocci à Gram positif Streptococcus pneumoniae
Streptococcus agalactiae
Céfotaxime ou Ceftriaxone
10 à 14 jours
Cocci à Gram négatif Neiseiria meningitidis Céfotaxime ou Ceftriaxone
4 à 7 jours
Bacille à Gram positif Listeria monocytogenes Amoxicilline + Gentamicine
21 jours
Bacille à Gram négatif Haemophilus influenzae
Escherichia coli
Céfotaxime ou Ceftriaxone
4 à 7 jours
Examen direct négatif Streptococcus pneumoniae
Streptococcus agalactiae
Neiseiria meningitidis
Céfotaxime ou Ceftriaxone
  Listeria monocytogenes Céfotaxime ou Ceftriaxone
+ Amoxicilline + Gentamicine

Précautions complémentaires si méningite à méningocoque

  • Poursuivre l'isolement respiratoire type "gouttelettes" : levée possible après 24 heures d'antibiothérapie bien conduite
  • Déclaration obligatoire à l'ARS des cas probables ou confirmés, sans délai : recherche des sujets contacts
  • Prévention des sujets contact : contact direct (face à face), proche (< 1 mètre) et prolongé (> 1 heure) lors des 10 derniers jours
    • Antibioprophylaxie urgente : Rifampicine per os pendant 48 heures
    • Vaccination : à discuter selon la souche et les sujets contacts

Si méningite non purulente

Si ponction lombaire compatible avec une étiologie virale : il faut rechercher des signes d'encéphalite.

  • Si méningo-encéphalite : antiviral intraveineux (Aciclovir) en urgence.
  • Si méningite virale isolée : traitement uniquement symptomatique (antalgique, antipyrétique, antiémétique, rééquilibre hydro-électrolytique, prévention des complications de décubitus, etc.).

Si cellularité panachée à la ponction lombaire : discuter au cas pas cas une listeriose, tuberculose ou méningite bactérienne décapitée.

Si méningite ou méningo-encéphalite d'allure non infectieuse : envisager une autre cause 
Exemple : paranéoplasique, auto-immune, médicamenteuse, etc.

Si abcès / empyème cérébral

Imagerie (IRM surtout ou scanner) : image en cocarde (centre nécrotique, capsule réhaussée par le produit de contraste, oedème péri-lésionnel).

Diagnostic différentiel : tumeur cérébrale.

Prise en charge : 

  • Ponction-biopsie stéréotaxique neurochirurgicale : documentation microbiologique, drainage
  • Antibiothérapie prolongée, d'abord probabiliste puis adaptée
  • Recherche de la porte d'entrée
  • Traitement antiépileptique si besoin
  • Lutte contre l'oedème cérébral

Complications

Précoces : oedème cérébral (cause du décès), thrombose, empyème, vascularite, surdité, déficit neurologique, épilepsie, décès (20% des méningites bactériennes).

Tardives : hydrocéphalie, troubles du neurodéveloppement, épilepsie.

Surveillance et suivi

  • Paramètres vitaux et état de conscience : possible évolution vers un état de choc septique ou un coma (transfert en réanimation)
  • Si fièvre persistante > 48 heures : refaire la ponction lombaire (en absence de contre-indication)
  • Rechercher une cause favorisante : déficit immunitaire, brèche ostéoméningée
  • Suivi ORL : audiométrie avant la sortie d'hospitalisation
  • Chez l'enfant : suivi neurologique à long terme (développement psychomoteur)