Item 213 à l'EDN : Anémie chez l'adulte et l'enfant

Fiche de révision pour l'EDN

Anémie : diminution de la masse totale d'hémoglobine (Hb) à l'origine d'un défaut du transport en oxygène.

Une définition basée sur le taux d'hémoglobine

Définition :

  • Homme adulte : Hb < 13 g/dl
  • Femme adulte : Hb < 12 g/dl (si grossesse : Hb < 11 g/dl car hémodilution, < 10,5 g/dl à partir du 2e trimestre)
  • Enfant : grandes variations selon l'âge

Si splénomégalie ou gammapathie monoclonale : fausse anémie car hémodilution.

Physiologie de l'érythropoïèse

Erythropoïèse : production de globules rouges (hématies).
Dépend de nombreux facteurs dont l'érythropoïétine (EPO), synthétisée par les cellules tubulaires rénales.
Localisation : dans la moelle osseuse.
Phases : différenciation et maturation de la lignée érythroblastique en réticulocytes puis en hématies.

Hématie : cellule anucléée, en forme de disque biconcave de 7 µm de diamètre, grande capacité de déformabilité.
Durée de vie : 120 jours.
Destruction : surtout par phagocytose intracelluaire grâce aux macrophages de la rate, du foie et de la moelle osseuse (85%), sinon dans les vaisseaux par hémolyse intravasculaire physiologique (15%).

Hémoglobine (Hb) : pigment constitué de 4 chaînes de globines (2 alpha et 2 béta chez l'adulte), contenant des molécules d'hème, liant les molécules de Fer.
Rôle primordial : transport d'oxygène dans le sang, des poumons vers les tissus.

Suspicion clinique : le syndrome anémique

Le syndrome anémique est inconstant et non spécifique. Il se définit comme la présence de signes / symptômes faisant suspecter une anémie :

  • pâleur cutanéomuqueuse
  • asthénie inhabituelle
  • céphalées
  • palpitations
  • tachycardie
  • souffle cardiaque fonctionnel
  • dyspnée d'effort d'intensité variable

En cas d'hypoxie tissulaire, les signes peuvent être :

  • angor
  • lipothymie
  • syndrome confusionnel

En cas d'anémie secondaire à une hémolyse :

  • Ictère d'intensité variable
  • Si hémolyse intravasculaire massive : urines foncées (jusqu'à "rouge porto"), syndrome pseudogrippal, lombalgies
  • Si hémolyse intratissulaire persistant : splénomégalie

Critères de gravité de l'anémie

La gravité de l'anémie est surtout liée à sa profondeur et sa vitesse d'installation.

Il faut également prendre en compte :

  • terrain : âge, comorbidités
  • tolérance : signes d'insuffisance coronarienne (angor, signes ECG), tachycardie, hypotension, dyspnée, lipothymie, confusion, signes déficitaires neurovasculaires

2 urgences à connaître :

  • hémorragie aigüe : saignement abondant extériosé (digestif, gynécologique, génital) ou non (hématome profond, postopératoire, etc.)
  • hémolyse intravasculaire : hyperthermie, frissons, malaise, nausées, douleurs abdominales, douleurs lombaires, ictère, urines foncées, pâleur intense, autres signes d'anémie jusqu'à l'état de choc avec coma

Mesures d'urgence

En cas de signe de gravité :

  • surveillance : vigilance, pouls avec scope ECG, pression artérielle, fréquence respiratoire, saturation veineuse pulsée en oxygène (SpO2)
  • mesures symptomatiques : repos, oxygénothérapie, pose d'une voie veineuse périphérique
  • transfusion sanguine de concentrés de globules rouge (CGR) : si déglobulisation importante et rapide, instabilité hémodynamique, signes de mauvaise tolérance (angor, signes d'ischémie myocardique, lipothymie), Hb < 8 g/dl chez un malade à risque cardiovasculaire

Traitement de la cause :

  • selon l'origine : hémostase endoscopique, radiologique interventionnel ou chirurgicale
  • arrêt des anti-agrégants ou anticoagulants
  • etc.

Démarche étiologique

Pour rechercher la cause d'une anémie, il faut analyser les indices érythrocytaires :

Analyse du volume globulaire moyen (VGM) :

  • anémie microcytaire : VGM < 80 fl
  • anémie normocytaire : 80 fl < VGM < 98 fl
  • anémie macrocytaire : > 98 fl

Interprétation du taux de réticulocytes :

  • anémie arégénérative : réticulocytes < 120 G/l (ou 120 000/mm3)
  • anémie régénérative : réticulocytes : > 120 G/l

Causes d'anémies

Anémies microcytaires

Principales causes :

  • carence martiale : causes gynécologiques à évoquer chez la femme en période d'activité génitale, digestive chez l'homme et la femme ménopausée
  • syndrome inflammatoire prolongé : séquestration du pool ferrique
  • thalassémies (sauf thalassémies mineures (a ou b) car microcytose sans anémie)

Pour les différencier :

  • dosage de ferritine : abaissée si carence martiale, augmentée si syndrome inflammatoire
  • protéine C-réactive (CRP) : élevée en cas de syndrome inflammatoire
  • Electrophorèse des protéines de l'hémoglobine : en deuxième intention, si suspicion de thalassémie

Anémies normocytaires arégénératives

Principales causes : insuffisance de production médullaire

  • atteinte de la moelle osseuse : érythroblastopénie, envahissement tumoral, myélodysplasie, etc.
  • insuffisance rénale chronique : défaut de synthèse d'EPO
  • hypothyroïdie : diminution du métabolisme basal
  • syndrome inflammatoire : normocytaire initialement puis microcytaire si prolongé

Examens à réaliser :

  • dosage de la créatinine
  • TSH ultrasensible (TSHus)
  • CRP
  • Si aucune cause évidente, réticulocytes < 10 G/l ou si atteinte de plusieurs lignées (leucopénie, thrombopénie) : myélogramme +/- caryotype

Anémies macrocytaires arégénératives

Principales causes :

  • carence en vitamine B9 (folates) ou B12 : défaut de synthèse de l'ADN (d'autres cytopénies souvent associées), présence d'érythroblastes de grandes tailles (mégaloblastes)
  • hypothyroïdie 
  • myélodysplasie : atteinte fréquente d'autres lignées

Examens à réaliser :

  • dosage des vitamines B9, B12 et de la TSHus
  • si normaux : myélogramme avec caryotype

Anémies normo- ou macrocytaires régénératives

Principales causes :

  • hémorragie : réticulocytose apparait après 48h
  • hémolyse :
    • corpusculaire : maladie de l'hémoglobine, enzymopathie, maladies de la membrane du globule rouge
    • extracorpusculaire : destruction des GR par processus toxique (saturnisme), infectieuse (paludisme), mécanique (microangiopathie thrombotique), immunologique (anémie hémolytique auto-immune)
  • anémie arégénérative corrigée récemment : souvent après correction d'une anémie carentielle supplémentée en folates

A réaliser : 

  • signes d'hémolyse : LDH augmentée, bilirubine libre augmentée, haptoglobine diminuée (voire indosable)
  • si anémie hémolytique avérée :
    • frottis sanguin à la recherche d'anomalies morphologiques : schizocytes en faveur d'une cause mécanique, recherche de paludisme si voyage en pays d'endémie,
    • test de Coombs direct (test direct à l'antiglobuline) : en faveur d'une anémie hémolytique auto-immune

Particularités chez l'enfant

Grandes variations des valeurs normales en fonction de l'âge : 

  • maximum à la naissance car Hb foetale,
  • puis diminution jusqu'à 3-6 mois 
  • puis augmentation pour atteindre les valeurs adultes

Cause la plus fréquente : carence martiale

Enquête étiologique :

  • mode d'installation : chronique ou brutal (moins bonne tolérance)
  • antécédents personnels : prématurité, hypotrophie foetale, anémie maternelle durant la grossesse, maladie hématologique connue (drépanocytose, thalassémie, maladie du globule rouge, etc.), maladies chroniques à risque de saignement
  • antécédents familiaux : maladie du globule rouge
  • croissance : rechercher un retard sur la courbe staturopondérale
  • alimentation : vérifier avec les parents, chercher des signes de malabsorption, maladie inflammatoire du tube digestif (aphtes, abcès péri-anaux)
  • prise de médicaments
  • infections : à répétition, ulcération gingivale, purpura, paludisme
  • signes de syndrome hémolytique et urémique (SHU) : diarrhée, alimentation à risque (lait cru, boeuf haché mal cuit, etc.)
  • syndrome tumoral
  • atteintes d'autres lignées